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Développer la négociation collective suppose le respect des organisations syndicales

Le Monde.  |e 

Le rapport remis le mercredi 9 septembre à Manuel Valls par Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail, pose les bases d’une remise en cause du code du travail. Ce document a été précédé d’autres rapports rédigés par des groupes de pression proches de la droite libérale, tel que l’Institut Montaigne ou de la gauche gouvernementale, tel que Terra Nova. Tous partent du postulat que le code du travail serait trop volumineux, trop compliqué, trop contraignant pour l’entreprise et qu’il constituerait un véritable frein à la création d’emplois. Notons pour autant qu’aucun travail sérieux ne montre un lien évident entre l’importance du code du travail et le niveau de chômage.

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Sans revenir de manière détaillée sur cet aspect des différents rapports, nous voudrions nous arrêter ici sur l’idée que la faiblesse du syndicalisme français s’expliquerait aussi par la lourdeur et la complexité du code du travail. Remplacer le code du travail par la négociation collective est dès lors présenté comme l’alpha et l’oméga d’une meilleure santé économique et sociale dans l’entreprise, et une possible avancée pour les salariés.

 

Lire aussi : Généraliser l’accord collectif ne doit pas déboucher sur un droit du travail « à la carte »

 

Comment peut-on se prononcer pour une inversion de la hiérarchie des normes, qui privilégie la négociation collective en entreprise par rapport à la loi et à la négociation de branche, sachant que ce processus a déjà par ailleurs été largement introduit par la loi Fillon du 4 mai 2004 et renforcé en 2008 et 2010, sans mettre en cause les pratiques discriminatoires et répressives dont sont victimes ceux-là mêmes qui sont mandatés par les salariés pour les représenter lors de négociations ?

PEUR DES REPRÉSAILLES

Le premier rapport de l’Observatoire de la discrimination et de la répression syndicales, initié par la fondation Copernic, dont sont parties prenantes la CFTC, la CGT, FO, la FSU, Solidaires, le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature, est là pour le prouver. Ce dont souffre le syndicalisme en France c’est avant tout des pratiques de nombreux employeurs qui n’hésitent pas à s’attaquer aux salariés syndiqués ou à leurs représentants pour faire passer leurs intérêts propres en matière de conditions de travail, de salaire ou de formation.

Si les statistiques publiques sont sur ce point largement insuffisantes, les sondages disponibles montrent que près de quatre salariés sur dix renoncent à se syndiquer par peur des représailles, ou que d’autres hésitent à s’engager lorsque cela signifie de sacrifier leur carrière professionnelle. Le développement des recours aux juges ces dernières années montre que ces phénomènes ne sont pas une pure vue de l’esprit et que malheureusement ils justifient ces craintes.

 

Lire aussi : Droit du travail, les pièges d’une refondation

 

De même, les formations dispensées aux futurs directeurs des ressources humaines (DRH), en délégitimant le rôle des syndicats en entreprise, constituent un des vecteurs de diffusion de telles pratiques, pourtant anticonstitutionnelles, mais néanmoins très rarement réprimées. Elles expliquent bien plus à elles seules la faiblesse de la syndicalisation en France que le nombre de pages du code du travail.

LIBERTÉ RELATIVE

C’est pourquoi si l’on veut, comme le propose le rapport Combrexelle, redonner « confiance, responsabilité et volonté d’agir » aux salariés et à leurs représentants, encore faudrait-il que l’effectivité du droit des salariés à une représentation syndicale en entreprise et plus largement les droits syndicaux soient garantis.

 

Donner la primauté à la négociation sur le droit c’est, dans un contexte de crise économique, de chômage massif et de dégradation du rapport salarial, affaiblir davantage les organisations syndicales face au pouvoir de l’employeur. Le rapport remis au gouvernement oublie que le droit conventionnel n’a pas de sens quand un nombre important d’employeurs ne reconnaît pas les organisations syndicales comme des interlocuteurs légitimes.

 

Donner la primauté à la négociation collective sur le droit commun ce serait ouvrir la porte à l’inégalité des droits. En réalité, au pays des droits de l’homme et du citoyen, la liberté syndicale reste toute relative, bien plus formelle que réelle. Sans un changement profond des pratiques patronales, la limite au dialogue social risque d’être très vite atteinte.  

 

Didier Gelot (Économiste) et François Clerc (Syndicaliste)



07/10/2015
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